
C’était à Lignéville, un tout petit village près de Vittel. Ce soir-là, la lumière était douce, et j’avais décidé de m’entraîner à peindre de vieilles fermes pour préparer mes cours. J’arrive devant un portail magnifique, marqué par le temps, et je commence à dessiner, absorbé par les détails des vieilles planches et des ferrures rouillées.
Mais rapidement, une présence se fait sentir. Une tête apparaît à la fenêtre de la maison derrière le portail. Je l’aperçois du coin de l’œil, mais je n’y prête pas attention. Puis la tête réapparaît, encore et encore, avec insistance. Intrigué, je jette un coup d’œil et découvre une vieille dame au regard courroucé, les sourcils froncés, semblant lancer des flèches invisibles dans ma direction.
Je continue de peindre, un peu amusé, sans comprendre ce que j’ai pu faire de travers. La dame sort de la maison, regarde à nouveau, rentre, puis ressort, toujours en m’observant d’un air méfiant. Finalement, d’un pas ferme et décidé, elle s’avance vers moi.
« Qu’est-ce que vous faites ? » demande-t-elle à l’intrus que je suis.
Je lève la tête calmement et lui réponds :
« Je peins votre porte, je la trouve très belle. »
Et là, sans crier gare, elle réplique avec un mépris rageur :
« Vous ne pouvez pas faire un vrai travail ? »
Je reste un instant figé, puis un sourire me monte aux lèvres. La scène était si absurde et cocasse qu’elle est restée gravée en moi, un souvenir vivant de cette rencontre improbable où la beauté simple d’un portail a suscité bien plus de curiosité — et d’hostilité — que je ne l’aurais imaginé.